Tropiques meurtrières

Le commandant de bord, d’une voix fatiguée, finissait de donnait les dernières instructions avant d’entamer les procédures d’atterrissage vers la piste de l’aéroport de Plaisance. Après une descente quelque peu troublée par les turbulences dues à la forte chaleur estivale, l’Airbus A340-320 atterrit dans un crissement de pneus sur la piste fumante de chaleur. L’avion ralentit progressivement, puis se dirigea lentement vers le terminal de débarquement. Quelques minutes à peine après l’immobilisation de l’appareil, les passagers commençaient à se diriger à l’intérieur du terminal. Le hall d’arrivée grouillait de monde, c’était l’été à l’île Maurice et les touristes venaient de tous les coins du monde pour profiter des plages de sable blanc et du soleil brûlant. La réputation de ce petit paradis n’était plus à faire en Europe, le plus gros fournisseur de touristes pour l’île en plein essor économique. Restait à vendre l’image de cet oasis de fraîcheur en Amérique.

Ben Morvant guettait impatiemment le vol en provenance de New York. Il devait attendre l’associé de son patron, pour ensuite le conduire à Grand Baie. Il détestait jouer les escortes, et encore moins pour des gens qu’il n’avait encore jamais rencontrés. Edward Smith apparut dans la salle V.I.P. quelques instants plus tard. Ben le reconnut grâce à la photographie que lui avait remise son patron. Smith, d’assez grande taille, avec de larges épaules et une démarche ferme, avait l’allure d’un athlète à la retraite. Il passa le détecteur de métaux et sembla hésiter avant de se diriger vers un steward. Après un bref entretien, il s’assit et prit un magazine sur la table devant lui. Il surveillait sans cesse sa montre, et le tapis roulant sur lequel les passagers récupéraient au compte-gouttes leurs bagages. Quelques minutes s’écoulèrent avant qu’il n’aperçoive ses bagages. Il n’avait qu’une valise et une mallette, contrairement aux autres nouveaux arrivants qui avaient des bagages beaucoup plus volumineux. Smith se dirigea vers la sortie où il fut l’accueillit presque immédiatement par Ben qui arborait un sourire crispé. Dans un anglais quelque peu erratique, ce dernier lui souhaita la bienvenue.
- Ne vous fatiguez pas les neurones, répondit sèchement Edward, je parle français et je comprends le créole. Le voyage a été pénible et je ne suis pas d’humeur à papoter.

Ben soupira de dépit, la route allait lui paraître très longue. En plus de la chaleur écrasante, il devait se taper la compagnie d’un Américain de mauvaise humeur. Et aucun arrêt en chemin, il ne pourra pas se rafraîchir comme il l’aurait souhaité. Il conduisit son invité à la nouvelle Mercedes du boss et lui ouvrit la porte arrière.

Après plus d’une heure de route sous un brasier d’enfer, la voiture entra enfin dans la cour de la villa de James Kane, mauricien né de parents américains. James était le propriétaire de plusieurs entreprises, de centres commerciaux et de boites de nuit. Il n’avait pas bâti son empire à la sueur de son front, c’était en grande partie l’héritage que lui avait laissé son père, Arthur Kane. James a certes ouvert des boites de nuits, un ou deux restaurants, des salons de massage; mais ce n’était pas grand chose comparé à ce qu’avait accompli son géniteur. Le succès d’Arthur était le fruit de plusieurs décennies de sacrifices, et James avait la lourde tâche de marcher sur les pas de son père.

James, souriant, sortit pour accueillir son associé et ami de longue date.
- Alors Edward, comment ça va ? Ça fait quoi, 5 ans qu’on ne s’est pas vu ? Entre, mais entre donc, viens te rafraîchir à l’intérieur. T’as fait un bon voyage ?
- 6 ans, James, ça fait 6 ans. Il faudrait que tu engages un chauffeur plus rapide, j’ai failli m’endormir dans la voiture.

Ben grimaça, jura entre ses dents et alla garer la voiture à l’ombre. James, la main sur l’épaule de son ami, entraîna vivement ce dernier dans la villa. Sa dégaine, chemise à fleurs et bermuda, détonnait avec l’ensemble costard cravate d’Edward. Dans le grand living room, James ouvrit le minibar, prit deux chopes de bière et en tendit une à Edward.
- Que penses-tu de mon petit coin de paradis ? N’est-ce pas magnifique ici, Edward ? demanda James entre deux gorgées de bière.
- Je préfère les plages californiennes. Venons en au fait, je n’aime pas perdre de temps.

James haussa les épaules, vida sa bière et inspira profondément.
- Tout va bien, juste quelques petits détails à régler et on lance le projet.
- Il y a des millions de dollars en jeu, je ne veux pas d’ennuis. C’est clair ?

Le ton sec et légèrement menaçant d’Edward surprit son ami. Edward était réputé pour son manque de diplomatie, mais là il paraissait plus tendu que d’habitude. C’était la première fois qu’il investissait en dehors des Etats Unis, et il ne voulait surtout pas regretter d’être sorti des sentiers battus. S’il avait accepté l’offre de James, c’était surtout pour avoir un endroit tranquille où il pourrait prendre sa retraite, loin des tumultes de son pays d’origine. L’île Maurice est un paradis, et l’idée de finir ses jours sous les tropiques ne lui déplaisait pas. Il pourrait garder un œil sur ses entreprises tout en se prélassant en bonne compagnie dans un cadre romantique et paisible. Il ne l’admettrait jamais, mais il préférerait passer son temps à s’amuser avec de belles filles plutôt que de se traîner en première classe à travers tous les Etats Unis. En somme, il cachait bien ses envies. Ben entra discrètement, s’assit sur une chaise à côté de la porte et regarda les images dans le journal. Pas besoin de lire l’article en première page, « Meurtre sauvage » : il était l’auteur du massacre en question. James en connaissait les détails, plus qu’il ne le voudrait même. Ben mettait un point d’honneur à filmer ses actes odieux, pour prouver au patron qu’il faisait son boulot.
- Relax Edward, il n’y aura pas de malaise. Je t’ai réservé un bungalow au bord de la mer pour ton séjour, un peu de détente ne te fera pas de mal.
- Si tu le dis… j’ai besoin de me changer, où est la salle de bains ?
- Au premier, Ben va t’y conduire. Ah ! Edward, fais-moi plaisir : oublies le costard si tu ne veux pas te faire plumer par les commerçants. Adoptes un style plus décontracte, ok ?

Ben montra le chemin au Yankee, et redescendit au plus vite pour reprendre son journal. Dommage que la presse locale ne publie pas de photos plus explicites sur ses œuvres. Il replia le journal et le posa sur la chaise, puis il sortit fumer une cigarette. James le rejoignit, cigare à la main.
- Il faut que tu changes tes méthodes de… d’exécution. La police soupçonne un tueur en série, et c’est ce que tu es devenu, Ben. Bon sang ! Je te l’ai déjà dit ! Une seule erreur, une seule, et on est bon pour la prison, imbécile !
- Ok boss.

Ben mâchouilla sa cigarette, il n’aimait pas se faire critiquer. Surtout que ses ‘méthodes’ lui procuraient un plaisir sadique. Il aimait voir ses victimes grimacer de douleur. Il revoyait la scène de sa dernière représentation. Il avait lié les pieds et les mains de Sanjay Darrutty dans son dos, et il avait passé une corde à linge entre les membres du malheureux, nouée fermement sur les liens, et il avait sauvagement attaché la corde au cou de sa victime. Il avait déposé le ‘saucisson’ au fond de sa baignoire qu’il remplissait lentement. Ben adorait voir les yeux exorbitants de ses cibles, des yeux qui le suppliaient jusqu’à la dernière minute. Ça le faisait rire aux éclats jusqu’à se pisser dessus. Drôle d’humour. James le sortit brusquement de ses rêveries.
- Bon, passons ! Comment se comporte la vieille ? Elle ne veut toujours pas abdiquer ?
- Non, Boss. Elle refuse toujours votre offre. Est-ce que je dois… ?

- Tu sais ce que tu as à faire, mais pas maintenant. Pour l’instant occupes-toi d’Edward. Amuses-le, changes-lui les idées. Il nous faut lever le pied pour l’instant. Foutue vieille ! S’il n’y avait que moi je lui aurais fait la peau depuis longtemps. Mais le Yankee a peur des ennuis. D’ailleurs le voilà, je te le laisse.

Edward Smith sortit de la villa en pantalon beige et chemise bleu pale. Pas le style du touriste mais c’était mieux que le costard. Avec ses tongs aux pieds et ses cheveux sel et poivre, il avait l’air d’un étranger à la recherche de chair fraîche. Et la serviette négligemment posée sur l’épaule complétait son accoutrement atypique.
- Excusez-moi patron, murmura Ben, mais il a l’air d’un mac habillé comme ça. Et je vais devoir le trimbaler dans tout Grand Baie ?

- Ta gueule, idiot ! Il risque de t’entendre ! James avait glissé ses paroles entre deux souffles, et dans un grand élan d’amitié purement hypocrite, il leva les mains pour inviter Edward à le rejoindre sur la terrasse.
- Approche, approche Edward ! Ben va te montrer les environs et il t’emmènera ensuite au bungalow.
- All right, mais ne perdons pas trop de temps, ok ? Je veux que cette affaire soit réglée au plus vite. On peut se détendre facilement dans le coin ?
- Mais bien sûr ! Ben, conduis notre invité chez Bruno, il saura comment s’occuper de lui !

Ben se mit au volant de la Mercedes et prit la direction du centre de Grand Baie. Après 5 minutes il se gara devant un restaurant chinois. Il descendit lentement de la voiture, grogna quelque chose entre ses dents et ouvrit la portière pour faire descendre l’Américain. Le soleil montrait déjà des signes de fatigue, il ferait noir dans peu de temps. Le village allait sortir de sa torpeur, et la vie nocturne reprendrait ses droits. Edward pensait que c’était parfait pour passer inaperçu, au milieu de cette marée de touristes. Ben était moins enjoué, ses amis n’allaient pas manquer l’occasion de le charrier à propos de son nouvel acolyte.

Bruno les reçut chaleureusement, tenta d’engager la conversation avec Edward, mais devant l’austérité de ce dernier, il se refroidit un peu.

- Deux bières ! Aboya Ben en direction de Bruno, puis il se tourna vers Edward et adopta un ton plus calme.
- J’ai cru comprendre que vous étiez un ami de longue date de mon employeur.
- J’ai cru comprendre que vous étiez son esclave.

Le ton était lancé, la soirée allait être longue, très longue, et elle ne faisait que commencer. Bruno apporta les bières très fraîches et s’éclipsa. Ben tendit la première chope au Yankee et porta prestement la deuxième à ses lèvres. S’il fallait se trimbaler ce gugusse, autant le faire aux frais du patron.
- Depuis combien de temps connaissez-vous James ?
- Je le connais depuis plus longtemps que tu n’existes. James et moi sommes associés dans plus de choses que tu ne pourrais imaginer. Nos pères étaient en affaires, et nous avons continué sur ce qu’ont bâti nos géniteurs. Satisfait ?

Ben grommela quelque chose de presque inaudible, mais Edward en saisit néanmoins le ton désagréable.
- Ecoute petit, si tu as quelque chose à dire, dis-le ! Je ne suis pas un cœur tendre, et la gentillesse n’est pas mon fort. Tu voulais me dire quoi ?


Ben ravala sa salive, il était sûr que le patron lui ferait sa fête si jamais il connaissait les pensées qui traversaient son esprit sur le moment. Mais sous le regard imposant et coupant d’Edward, Ben se lâcha.

- Je disais que le patron s’était gourré en parlant de vous comme une personne sympa.
- Et c’est ça que tu avais peur de déballer ? J’en ai entendu d’autres mon gars, et ce n’est pas cette pensée négative à mon égard qui m’ébranlera. Je suis devenu un dur par la force des choses. Et en parlant de dur, j’ai un truc qui voudrait bien se fourrer dans quelque chose de chaud.

Les paroles crues d’Edward Smith étonnèrent Ben. Mais au moins il était clair. Ben fit signe à Bruno qui s’empressa de les rejoindre. Il souriait même s’il n’en avait pas envie. Des années de métier lui avaient donné un sourire hypocrite tout à fait convaincant.
- Oui ? Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?
- Notre ami à des besoins qu’il aimerait bien soulager, si tu vois ce que je veux dire.
- Massage ou… ?
- Le massage c’est pour les mous, coupa Edward. Est-ce qu’on peut au moins se satisfaire convenablement dans ce pays ?
- Parfaitement, parfaitement. Que voulez-vous ? Asiatique ? Orientale ? Noire ? Blanche ? Il suffit de demander.
- Du moment qu’elle est saine et qu’elle ne parle pas pendant l’acte, peu m’importe !

La froideur d’Edward était encore plus pesante quand il était pressé. Ses deux compères ne manquèrent pas de le remarquer et il ne fallait surtout pas froisser un invité du patron. Bruno passa un bref coup de fil, et en l’espace de quelques minutes à peine, une magnifique jeune femme à la peau claire et aux jambes interminables fit son entrée dans le restaurant. Elle marchait lentement, en ondulant des hanches dans un style très provocateur. Elle regarda Bruno et ce dernier fit un signe de tête en direction de l’Américain. Elle s’approcha de la table et du haut de ses 1m80, elle jeta un regard à Ben en se léchant les lèvres et en se caressant du bout des doigts le haut de sa poitrine. Elle savait pertinemment que Ben était amoureux d’elle, et elle ne manquait jamais une occasion de le provoquer en public.
- M. Smith, je vous présente Amanda Lefleuve. Amanda, voici M. Edward Smith, un associé du patron.

Amanda connaissait bien le patron, c’était lui qui possédait le restaurant, et c’était aussi lui qui dirigeait tout le réseau de prostituées dans la région. Une pensée coquine traversa son esprit. Pour elle, le patron avait dérogé à toutes les règles. C’était la seule fille du réseau qui avait pénétré la villa, et c’était la seule fille que le patron avait osé pénétrer. Elle chassa cette vilaine idée et s’assit à côté de M. Smith.
- Vous m’offrez un verre ? Je meurs de soif, et avec cette chaleur étouffante, impossible de respirer.

Elle poussa un soupir volontairement lubrique, et passa légèrement ses doigts sur la jambe d’Edward.
- Dites-moi, c’est la première fois que vous venez ici ? Je ne vous ai jamais vu dans le coin.
- Je viens tout droit de New York, et c’est peut-être la dernière fois que je mets les pieds ici.
- Il ne faut pas dire ça mon chou, on pourrait faire changer les choses, qui sait?

Amanda remontait ses doigts sur la jambe d’Edward, tout en regardant Ben droit dans les yeux. Elle fit un sourire narquois et saisit le Bloody Mary que Bruno lui apportait à l’instant. Elle sirota lentement son cocktail et passa lentement le bord du verre
froid sur les lèvres. Ben commençait à se lasser de ce petit jeu; il ne dormirait pas seul ce soir. Même si ce n’était pas avec Amanda, il trouverait une fille avec qui batifoler.

Edward montrait des signes d’impatience. La soirée ne faisait que commencer et pourtant il voulait déjà que ça soit terminé. Il n’avait pas envie de s’éterniser dans ce restaurant qui se remplissait peu à peu de touristes, le brouhaha l’énerverait.

Le trio se leva et sortit du restaurant sans adresser un mot au gérant. Ils s’engouffrèrent dans la Mercedes et Ben démarra dans un crissement de pneus. Déjà Amanda commençait son boulot, et Ben n’en ratait pas une miette dans le rétroviseur. C’était décidé: il ne dormirait pas seul ce soir.

Alors, critique constructive^^:

Faites un peu attention a la conjugaison de certain verbe, je sais que je suis pas une fleur non plus dans ce domaine ... mais bon ^^ j'ai pu en remarquer quelques unes...

ensuite j'aime bien dans l'ensemble on s'imagine clairement les situations, par contre certaine description manque de clareté. voila ^^